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3 mai 2007

Mai 68 et la droite "décomplexée"....

Lors de son dernier meeting parisien à Bercy le 29 avril, Nicolas Sarkozy s’en est pris violemment à l’héritage de « Mai 68 » qu’il souhaite « liquider » par son élection. Il déclare notamment que « Mai-68 a imposé le relativisme intellectuel et moral, a liquidé l'école de Jules Ferry, a introduit le cynisme dans la société, a abaissé le niveau moral et politique". Il ajoute que ses héritiers « trouvent des excuses aux voyous, ont renoncé au mérite et à l'effort, ont affaibli l'autorité de l'Etat et l'idée de citoyenneté, cultivent la repentance, font l'apologie du communautarisme, dénigrent l'identité nationale.»

Point par point ces déclarations peu amènes du candidat de la droite républicaine (?), soulèvent des interrogations et peuvent être discutées.  Le « relativisme intellectuel et moral »  dont parle monsieur Sarkozy se traduirait plutôt par une évolution de la société française au diapason de ce qui se produisait ailleurs en Europe et aux Etats-Unis.  Mai 68 marque un tournant avec l’affirmation du « moi » en opposition au dogme d’une société patriarcale régie par la soumission au plus fort et au plus expérimenté. Ce que le candidat UMP fait passer pour la « pensée unique de la gauche française » n’est autre que la remise en cause de la doctrine « vieille France » selon laquelle l’enseignement n’est pas critiquable, l’ histoire n’est pas critiquable, le pouvoir n’est pas critiquable, le père de la nation n’est pas critiquable. Ce qu’était Mai 68 est bien une remise en cause de la pensée unique et l’affirmation que de la société civile ou politique puisse naitre un contre pouvoir, ce qui est la base même de la démocratie. Certes la majorité décide, mais la minorité est en droit de questionner, critiquer, donner son avis.

En ce qui concerne la liquidation de « l’école de Jules Ferry » par les soixante-huitards, le moins que l’on puisse dire c’est que « Mai 68 » fut une bénédiction. Non seulement cela a permis de remettre à plat un système totalement archaïque issu du XIXème siècle, mais également aux étudiants d’apprendre ce qu’est le libre arbitre, l’ouverture vers d’autres cultures et horizons, et enfin l’apprentissage du débat, de la discussion et de la confrontation d’idée et de l’enrichissement mutuel (autres piliers de la démocratie). De plus « L’école de Jules Ferry » chère à Nicolas Sarkozy, n’a pas seulement eu pour but de donner une instruction gratuite pour tous et jusqu’à 16 ans. Cette "école" là a également été celle qui a institutionnalisé l’inégalité des races. Pour Jules Ferry, « la race supérieure (blanche) est en droit, voire en devoir, de civiliser les races inférieures » (1885), bel exemple républicain, sans compter les immondices qui servaient d’illustrations dans les livres d’écoles sous la houlette de ce même Jules Ferry.

            En outre, l’héritage de  Mai 68 ce n’est pas de « trouver des excuses aux voyous »,  ni de « renoncer à l’effort », ou « affaiblir l’autorité de l’état et la citoyenneté ». Nicolas Sarkozy n’en est de toutes les façons plus à une contre-vérité près. Ce que veut le candidat UMP c’est plutôt « liquider » ou « karchériser » l’idée que la prévention et l’éducation peuvent être une alternative à la délinquance, que les voyous ne naissent pas comme tels et peuvent donc être éduqués au lieu d’être laissés à l’abandon. C’est ici que le bas blesse. Il est bien beau, aguicheur, séduisant, facile surtout, de parler de mesures sécuritaires et immédiates pour stopper la délinquance, mais on n’a pas entendu celui qui a réponse à tout dire quoi que ce soit sur l’éducation et l’enseignement envers les plus jeunes. Or nous avons pu constater que les mesures sécuritaires de l’ancien ministre de l’intérieur n’ont servi qu’à faire augmenter les agressions sur les personnes, et que la suppression de la police de proximité n’a eu pour effet que de creuser un fossé entre jeunes et représentants de l’ordre. Enfin le bilan « exceptionnel » de Mr Sarkozy ne peut être mis en avant sans mentionner la plus grosse émeute ayant eu lieu en France depuis Mai 68, à savoir l’embrasement des banlieues en novembre 2005. 

Pour ce qui est de l’effort, Mai 68 a provoqué des avancées spectaculaires, le smic a été relevé à 600 francs (de l’époque) et les salaires augmentés de 30 % avec une réduction du temps de travail. Dire que les héritiers de Mai 68 (et par la même les soixante-huitards) ont renoncé au mérite et à l’effort, c’est insulter des ouvriers qui pour la plupart se sont battus pour avoir des conditions de travail et une rémunération décentes, en relation aux dits efforts qu’ils ont fait et qu’ils font pour travailler et vivre.

            Parler d’apologie du communautarisme concernant les héritiers de Mai 68, est assez surprenant de la part d’un homme qui prône la discrimination positive, qui met en avant 2000 ans d’histoire chrétienne pour un pays métissé comme la France, et qui se permet d’annoncer pour la prochaine magistrature la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Les diviseurs de la nation sont-ils réellement  ceux que le candidat UMP fustige ?

            Tout cela pourrait ne prêter qu’à une désapprobation de plus de l’idéologie du candidat à l’élection présidentielle, s’il n’y avait pas la présence de certaines personnes discutables dans l’entourage plutôt proche de Nicolas Sarkozy. En effet, certains anciens membres du feu groupuscule d’extrême droite « Occident » sont encartés à l’UMP (ne sont pas citées les personnes actuellement au FN par manque de place…) et y occupent des fonctions importantes : Patrick Devedjian (député UMP des Hauts-de-Seine et conseiller politique de Mr Sarkozy), Gérard Longuet (proche de Nicolas Sarkozy), Alain Madelin, ou Claude Goasgen ( un des portes parole de Nicolas Sarkozy). Les membres du groupuscule Occident faisaient « le coup de poing » aux étudiants de Nanterre ou de la Sorbonne, militaient pour l’Algérie française et contre la fin de la France coloniale, se battaient (au propre comme au figuré) pour un retour à l’ordre moral et exécraient la gauche héritière du Front Populaire et les communistes.

            Il n’y a donc aucune surprise à avoir lorsque Nicolas Sarkozy souhaite « liquider » Mai 68, lorsque l’on sait que l’UMP est noyautée par d’anciens membres d’Occident, lorsque l’on sait que l’UMP comprend d’anciens membres de l’OAS, lorsque l’on sait que des députés UMP auraient pu inclure sans l’intervention de Jacques Chirac, dans la loi du 23 février 2005, que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la colonisation ». La droite française décomplexée n’a certes aucun rapport avec le pétainisme, Action Française ou les ligues des années 30, le FN assumant cet héritage comme il se doit. Néanmoins, plus les mois passent, avec leurs lots de polémiques et de déclarations nauséabondes, et plus la question peut se poser avec acuité….. 

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